LA CHASSE AU CROCODILE

Publié le par les africains du 13

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L’espèce est protégée et pourtant il l’a fait.

Il était aux environs de 15h00 nous venions de finir une sévère
collation faites de salades de riz, de cakes aux olives et de terrines de canard arrosées de vin rosé et de bière. Le lac, au bord duquel est installé le campement de Xavier, est fait de bric et de broc mais il est opérationnel et sous les paillottes, les alizés vous rafraichissent délicieusement le visage et les parfums suaves de terre et d’herbe sèche emplissent agréablement vos poumons. La chasse, c’est la chasse qui intéresse  le petit groupe qui, la cigarette au bec manipule avec ferveur les armes avant de les poser sur un table de bois non loin des victuailles et des bouteilles. C’est un campement de chasseurs dans lequel nous sommes conviés ce dimanche et les trois compères qui nous ont invités nous font découvrir leur petit monde perdu dans la savane au bord d’un lac. Ce ne sont que des abris fait de troncs d’arbres et couverts de nattes de paille, une installation quelque peu spartiate qu’ils rejoignent durant les weekends afin de fuir le vacarme de la ville pour rejoindre leur passion de la brousse et de la chasse. Des oiseaux blancs planent au dessus de  nos têtes en criant et une famille africaine cultive non loin de nous et dans le silence le plus total un champ de haricots tout en épiant attentivement chacun de nos gestes. La casquette sur le côté et les lunettes à la Charles Bronson, Paul scrute les berges opposées du lac et nous désigne soudain la présence d’un crocodile. Ces sauriens peuplent le lac et bien que l’espèce soit protégée ils dévorent les chèvres et le gibier d’eau à une cadence qui a fait rapidement d’eux les ennemis des villageois. « Je vais dégommer cette saloperie » lâche Paul qui nous informe en haussant un sourcil que la lunette de son fusil positionne l’animal à 205 mètres de l’autre coté du lac.  Prenant la pause digne d’un snipeur de Sarajevo, le chasseur s’agenouille et met en joue le croco qui à l’œil nu ne représente qu’une virgule pâle sur la berge lointaine. L’allure est martiale, le genou est planté au sol, le fusil en position, et la cigarette sur le côté de la bouche finissent de brosser le portrait du parfait tueur. Attention le crocodile Dundee de Ouagadougou est sur le point de faire mouche. La phase de visée dure assez longtemps pour que tout le monde puisse profiter du spectacle puis soudain c’est la détonation mais la gerbe d’eau provoquée par l’impact de la balle qui percute la surface à quelques dizaines de mètres de l’objectif ne suffit pas à sortir le saurien de sa tropicale torpeur. Il n’a pas bougé d’un pouce. Un rictus de déception tord le visage de Paul qui pose le fusil sur la table en maugréant  pour reprendre en main et sans plus mot dire son verre de Pastis glacé. « C’est la merde, Y a trop de vent » finit-il par murmurer avec un hochement de tête à la Gainsbourg dont il partageait d’ailleurs la même implantation des oreilles.

Sans mot dire, le sieur Jean pierre, curieux comme une hyène et malin comme un singe s’empare alors de la dite carabine encore chaude et faisant fi des commentaires de son épouse, dont l’engagement pour la cause animale est légendaire à Ouagadougou puisqu’elle n’hésite jamais à baisser la vitre de son véhicule afin de tancer les africains en train de frapper les ânes pas assez rapides à tirer les charrettes, met en joue le croco, qui décidément et entre nous aurait du choisir ce jour un autre endroit pour méditer sur l’avenir de la race des sauriens en Afrique.  La bête est vautrée sur le bord du lac, elle savoure la quiétude d’un après midi tranquille sans savoir qu’elle est dans la lunette de visée d’un hurluberlu qui ne lui veut pas que du bien. Kathia prend des photos, pour immortaliser la situation mais sans savoir encore qu’elle  allait être témoin d’un exploit. Il a été dit que l’animal venait d’être raté par un pro de la brousse, un Indiana John’s de la savane, une des plus fines gâchettes de l’hémisphère  sud, alors ça n’est pas un homme de bureau, un rond de cuir, un trop payé de nassara qui va faire la loi dans ce trou perdu et mettre en danger la sieste du tranquille animal. Mais tout à coup, les collines environnantes font écho à une  violente déflagration, le tireur, surpris par la violence du recul de l’arme, tombe sur son illustre séant que la tourbe moelleuse vient accueillir avec douceur.
Au loin, une fois encore, seule une gerbe d’eau reste perceptible aux jumelles mais cette fois ci provoqué non pas par l’impact de la ballesur l’eau mais par la queue du croco qui frappe la surface d’une manière convulsive. Touché ! Il est touché criai-je tentant de ménager dans ma tête l’effet de surprise mêlée d’admiration mais aussi teinté d’embarras vis-à-vis du prodigieux exploit totalement illicite.
A aucun moment, personne ne peut imaginer quelqu’un être capable de toucher un animal à cette distance. Sans mot dire, la barque à moteur est rapidement mise à l’eau et la surface du lac, lisse comme une cougourde et couleur café au lait se fend pour laisser passer le frêle esquif qui s’éloigne avec un bruit de mobylette mal réglée. Au retour, les visages sont graves mais quelle ne fut pas ma surprise de voir après que la barque aie planté son nez dans la terre lourde du rivage, qu’un croco d’un mètre vingt gisait inanimé sur le plancher vermoulu de la vieille embarcation la tête éclatée. L’émotion d’avoir sacrifié un animal protégé fige le visage du tireur qui par intervalle laisse quand même éclaté sa joie et sa fierté d’avoir fait mouche du premier coup. Les pisteurs ne tarderont pas à éventrer le saurien pour en extraire la viande dont ils sont très friands. Sous les assauts du coutelas aiguisé du boucher de service, les spasmes encore vigoureux de l’animal révulsent la femme du héros qui verse une larme moitié de compassion pour la victime et moitié d’admiration pour son héros de mari. Dans le feu orange et rouge du soleil couchant, le convoi de quatre/quatre quitte les lieux du campement en sillonnant la savane aride sur laquelle semblent veiller les majestueux baobabs dont les troncs luisants et les feuilles rares se découpent sur un ciel déjà sombre.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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